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3 questions aux psychologues des services gynécologie et maternité obstétrique sur le deuil périnatal

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Sensibilisation au deuil périnatal

3 questions aux psychologues des services gynécologie et maternité obstétrique sur le deuil périnatal

15 octobre 2025 – Journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal

Chaque année, la Journée mondiale du deuil périnatal invite à mieux comprendre, reconnaître et accompagner la perte d’un enfant avant, pendant ou peu après la naissance. Ce sujet, longtemps resté silencieux, touche pourtant de nombreuses familles et interroge la manière dont notre société accueille la vie… et la mort dans un même temps.

À cette occasion, Camille Ortega, Charlotte Mancel-Arrouët et Émilie Louvet-Alexandre, psychologues au sein du service de maternité-gynécologie obstétrique du CHU de Caen Normandie, nous éclairent sur cette expérience singulière et l’importance de l’accompagnement.

Qu’est-ce que le deuil périnatal ?

Le deuil périnatal survient après le décès d’un fœtus ou bébé en période périnatale (avant, pendant ou après la naissance), qui s’étend consensuellement de la 22ème semaine d’aménorrhée (pendant la grossesse) jusqu’à 7 jours après la naissance. En réalité, le vécu des couples qui se préparaient à devenir parents et qui sont brutalement confrontés à la perte d’une grossesse et/ ou d’un enfant, dépasse de beaucoup ces limites officielles. Ce sont des situations heureusement peu fréquentes mais extrêmement complexes puisqu’elles peuvent survenir à différents moments de la grossesse et du post-partum, soit de façon inopinée.

Les situations inopinées prénatales recouvrent les arrêts spontanés de grossesse (autrefois appelés “fausses-couches”) qu’ils soient précoces ou tardifs. En période postnatale, cela concerne le décès inopiné du bébé dans les premiers jours / premières semaines suivant la naissance.

Les situations anticipées, en lien avec le Diagnostic Anténatal, concernent les décisions d’Interruption Médicale de Grossesse (IMG) ou d’accompagnement en soins palliatifs après la naissance (dans le cadre de la Loi Claeys – Leonetti). Ces décisions se font conjointement entre l’équipe médicale et les parents.

Chaque situation est singulière, et le vécu de chaque parent dépendra de l’investissement de la grossesse, de sa relation à son bébé, du contexte, mais aussi de son histoire propre, du soutien dont il peut bénéficier…

C’est pourquoi on peut difficilement donner une définition stricte du deuil périnatal, puisqu’il dépend avant tout des éprouvés des parents aux prises avec une réelle effraction psychique dans une période de fragilité, bousculant brutalement et de manière irréversible l’ordre des choses, la mort s’immisçant là où la vie était attendue.

Les spécificités du deuil périnatal

Le deuil périnatal est un deuil singulier, souvent mal reconnu socialement. Longtemps considéré comme un « sous-deuil », il a parfois été minimisé sous prétexte de brièveté de la vie ou d’absence de souvenirs partagés. Aujourd’hui encore, il reste difficile à aborder, dans une société où la grossesse et la naissance sont associées à des événements heureux.

Pourtant, cette perte confronte les parents à un double vide : celui de l’enfant attendu et celui de l’avenir qu’ils avaient imaginé avec lui. Le deuil périnatal est d’autant plus difficile qu’il repose sur peu de traces concrètes — une échographie, un prénom choisi, quelques vêtements, des photos. Certains parents n’ont que ces fragments comme preuves de l’existence de leur bébé. D’autres s’interrogent sur leur propre identité : sont-ils encore parents, sans enfant ?

Ce deuil s’accompagne souvent d’un sentiment d’isolement. L’entourage, démuni face à cette douleur, ne sait pas toujours comment réagir. Les marques d’attention se raréfient, laissant parfois les parents seuls dans une temporalité de deuil bien plus longue que celle que la société tolère. Chacun traverse alors son cheminement personnel, marqué par la tristesse, la colère, l’injustice, la culpabilité, ou encore l’incompréhension.

Ce deuil n’est pas seulement celui d’un enfant, mais aussi celui d’un futur, d’un projet de vie interrompu. Les anniversaires, fêtes ou moments familiaux deviennent autant de rappels douloureux de ce qui aurait dû être.

Quel accompagnement ? Et pourquoi ?

L’accompagnement des personnes confrontées aux différentes situations cliniques menant à l’élaboration d’un travail de deuil périnatal est avant tout pluridisciplinaire, et porté à tous les niveaux par les différents corps de métiers des services de soins concernés, généralement les services de gynécologie – obstétrique. Il s’agit dans un premier temps de garantir un maillage de soins qui permette de contenir cette expérience très souvent vécue comme une brisure psychique par les parents. Il arrive que l’hôpital soit le premier voire le seul lieu de rencontre et de reconnaissance de l’existence de cet enfant, où les parents affrontent l’innommable, et sont accompagnés dans la réalité de la situation et dans les choix qu’ils peuvent faire, d’un point de vue médical, psychologique, mais aussi administratif.

L’accompagnement psychologique leur est toujours proposé assez rapidement dans le parcours de soins, mais il ne constitue pas un passage obligatoire. Chacun doit pouvoir garder la liberté de s’en emparer ou non, ou quand il le souhaite selon sa temporalité et ses possibilités adaptatives. Cet accompagnement peut être débuté parfois de manière différée par rapport à la survenue de l’évènement, à l’hôpital ou bien en ville. Certains parents ne peuvent s’en saisir sur le moment, puis en ressentent le besoin plusieurs semaines ou mois après le décès.

Ce type d’accompagnement peut leur être bénéfique pour différentes raisons. Lorsque les parents endeuillés se sentent seuls avec leurs éprouvés, désemparés, anéantis dans leur psychisme – et plus précisément dans leur identité, qu’ils se sentent incompris de leur entourage pourtant soutenant dans un premier temps, pouvoir bénéficier d’un espace de partage, d’écoute et de transformation de leurs affects peut constituer un soutien précieux dans cette traversée du désert. En outre, ce travail d’élaboration, lorsqu’il aboutit, peut leur permettre de libérer de l’espace psychique pour réinvestir ensuite d’autres projets de vie, tout en composant avec l’intégration de cette perte douloureuse à leur histoire de vie.

Camille ORTEGA, Charlotte MANCEL-ARROUËT et Émilie LOUVET-ALEXANDRE

Psychologues en maternité – service de gynécologie-obstétrique, CHU de Caen Normandie

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